Poésie
Les adultes
Les adultes
Je grandis et je m’aperçois
Que les adultes sont tous les mêmes
Qu’ils n’écoutent que leur propre voix
Et ne parlent que de leurs problèmes.
Je grandis et comprends, perplexe
Que le monde est dur à changer
Pas parce qu’il est trop complexe
Mais car les adultes sont bornés
Ils pensent avoir tout vu, tout compris
Ils pensent avoir des solutions
Mais ce ne sont que des vues de l’esprit
Derrière des barreaux de prison
De crise en crise, à fond la caisse,
Le pied sur l’accélérateur,
Ils prennent toujours de la vitesse
Quand il faudrait de la hauteur.
Ils parlent d’efficacité
Avec un air grave et sérieux
Quand il faudrait de la beauté
Et prendre le temps d’être heureux
Je grandis et j’ai peur d’en devenir un
Car on ne se rend compte de rien
Mais c’est terriblement humain
De se réveiller adulte, un matin
Car être adulte, au sens où je l’entends
Ce n’est pas un âge, c’est se donner l’air important.
Être coupable de ne jamais être innocent
Et vouloir prendre des décisions à la place des autres enfants.
Sacrés secrets
Sacrés secrets
Les secrets sont sacrés
qu’ils soient dits sous serment
ou simplement confiés
à quelque confident.
Il y a toutes sortes de secrets :
Sentiments avoués
Susurrés à l’oreille
Scellé par une caresse, un baiser,
une relation sexuelle.
Ou silencieux, subtil, qui
se passe de mots.
Quand un mouvement suffit,
que le secret est beau.
Confier un secret est un acte de confiance.
Il y a des secrets que l’on garde toute sa vie,
Et il y a des secrets qu’on trahi.
Des secrets que personne n’ignore.
Des secrets que l’on croit savoir.
Des secrets passés sous silence ou révélés dans un souffle
Parfois sans le vouloir
Les secrets sont précieux et sales comme de l’or noir.
Une chose est sûre : posséder un secret
donne un puissant sentiment de pouvoir.
Il y a des secrets qui se baladent solo,
Et d’autres qui s’écoulent et se suivent en cascade.
Il y a des secrets qui sont comme une goutte d’eau,
Et d’autres un tsunami, un volcan, une tornade.
Il y a des secrets comme des seaux d’eau glacée.
Des secrets qui sidèrent et dont on se souvient.
Des secrets qui s’enroulent comme des serpents sournois,
Autour de notre gorge et nous laissent sans voix.
Des secrets qui s’imposent parfois …
Sans nous laisser le choix.
Certains secrets sont creux
De ces secrets poisseux dont on se débarrasse
dans une souche dans les bois
En espérant très fort qu’ils n’y survivront pas.
Et d’autres solennel, sacrés, importants
De ces secrets dits sous serment,
Souvent scellés avec le sang
entre deux amis … ou deux amants.
Et il y a des secrets solubles
ou bien qui s’évaporent et perdent leur substance.
Si bien qu’à la fin de l’été,
il n’en reste plus qu’un goût … de soleil salé.
Car heureusement, tous les secrets ne sont pas sombres.
Il y en a même qui font sourire.
Cela dépend du secrétaire,
Et de sa sensibilité.
Ce poème en est un : secret.
Je vous le confie, prenez en soin.
Choisissez bien le moment, l’endroit,
Et surtout …
Ne le répétez qu’à une seule personne à la fois.
La croix et la bannière
La croix et la bannière
Dans le feu de l’action, il a perdu la flamme.
D’un coup de cimeterre, il a perdu son arme.
Sans une hésitation, et sans se retourner,
Il s’enfuit au galop, tromper la destinée.
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire,
Mais à un contre mille, il n’y a plus d’espoir.
Aussi a-t-il préféré, à l’honneur, la vie.
En dépit des coutumes de la chevalerie.
En fuyant la fureur, la folie, la fumée,
Son fidèle destrier filant comme le vent,
Il laissait derrière lui sa flamboyante épée,
Offerte, pour la sainte croisade, par ses parents.
Le preux chevalier ne savait rien de la guerre,
Il rêvait de l’orient comme on rêve de mystère.
Mais sous son heaume d’acier, masque effrayant,
Ce n’était en réalité qu’un enfant.
Il avait fière allure,
Au moment d’embarquer
Brillant, dans son armure
Brandissant son épée.
Il n’avait pas connu l’amour ,
Qu’il traversait déjà la mer,
Pour aller côtoyer la mort,
Dans la guerre contre les émirs.
Au milieu d’une si belle armée au service de Dieu,
Il ne doutait pas un instant de sortir victorieux.
Et il était maintenant seul, sale et loin de chez lui.
En repensant à ses rêves de gloire, il les maudit.
C’était sa vision de la vie éternelle : la gloire.
Sur les tapisseries, les vitraux, dans les histoires.
Mais il comprenait maintenant que c’était sans espoir :
Car une guerre, même sainte, n’est qu’un vaste mouroir.
Alors qu’il pleurait de honte, de désespoir, de peur,
Qu’il tombait de fatigue, se trempait de sueur
Qu’il ne savait même plus à quel dieu se vouer
Sa jument, elle, savait où l’emmener.
Elle le fit traverser au galop, au galop,
Des chemins oubliés, oubliés, oubliés
Poursuivi par l’écho, l’écho, l’écho,
L’écho de ses pensées.
Et c’est dans un état second
Qu’il parcourut ce paysage majestueux
De la chaîne de l’Atlas qui se fond,
À l’horizon avec le ciel brumeux.
Le voyage dura des jours et des lieues
Puis, soudain, plus un bruit de sabots
Et il ne sentit plus l’odeur du sable chaud
Le chevalier ouvrit alors les yeux.
Loin des cailloux et de la plaine aride,
Loin du tumulte des armes,
Il était arrivé dans un champ d’herbe humide,
Semé de quelques arbres.
Rien de tel qu’un ruisseau,
Le bruissement des buissons
Et un peu de repos,
Pour dompter l’émotion.
Mais loin du champ de bataille, il se trouva piégé
Comme on peut parfois l’être par la sécurité :
Il ne pouvait enlever, sans l’aide d’un écuyer
Sa belle armure, si finement ouvragée.
Dans cette oasis de douceur,
Cela pouvait sembler brutal,
Au milieu des herbes et des fleurs,
Il était un homme de métal.
Il grinçait à chaque pas,
Et pesait de tout son poids
Sur la terre quand, élégamment
Les végétaux parlaient au vent
Mais de cet étrange décalage,
La nature ne prit pas ombrage.
Et il faut dire qu’il était très beau,
En perchoir à oiseaux.
Il vécut là en observant,
Les plantes pousser vers le ciel bleu,
Et perdit la notion du temps,
Tant il trouvait ça merveilleux.
Puis un beau jour, la rouille eut raison de l’acier,
Et l’armure tomba en poussière.
Comme Adam avant lui, le preux chevalier,
Au milieu du jardin, était nu comme un ver
Il sentit qu’il était temps qu’il s’en aille,
Fort d’une nouvelle idée :
Si dieu existe ce n’est pas sur un champ de bataille,
Mais bien dans un verger.
Poèmes courts : transe-ports
Mouvement d’ensemble
Un cœur est parfois vide, et d’autres fois bondé.
Il a ses heures de pointe et ses vacances d’été.
Et quand on a la chance de partager le trajet avec quelqu’un,
l’amour est un transport en commun.
Voyage instantané
Le paysage défile, et pourtant…
Tu voyages immobile, en mouvement.
Le voilà, le secret de la téléportation :
Monter ici ou là et descendre à une autre station.
Point commun : être particulier
Si différents, mais tous dans la même boite de métal,
Foule d’individus partageant le trajet de Nation aux Halles.
Chacun un transport en commun et une histoire particulière,
Paradoxe d’être humain embarqué sur la planète Terre.
Futur humain
Futur humain
Dans notre monde pollué,
Où il met la vie est en danger.
Il est urgent pour l’Homme de se réinventer.
Comment sera l’Homme du futur ?
Je vous livre mes conjectures :
Pour commencer, l’Homme du futur est tout autant féminin,
Il serait d’ailleurs plus juste de parler d’humain.
Et il n’accorde plus d’importance à l’androcée ou au pistil,
Quand il a des papillons dans le nombril.
L’humain futur n’est pas augmenté par la technologie.
Le bois est son matériau favori.
Il fait de la photosynthèse pour produire l’énergie,
qu’il utilise avec parcimonie.
Non, l’humain futur n’est pas austère,
Mais les pieds bien ancrés sur terre,
il a fait ce qu’il devait faire
pour ne plus polluer l’atmosphère.
L’humain futur vit très longtemps.
Il faut dire qu’il vit plus lentement.
Il a réduit ses déplacements.
Et sa consommation à l’essentiel.
Il vit d’eau pure et de soleil.
Il n’est certainement pas immortel.
Mais quand il revient à la terre
C’est bien pour laisser un peu d’air
Ainsi qu’une place à la lumière
Aux jeunes pousses
Au bois vert, à la mousse
Laisser une place à tout ce qui pousse.
Au printemps, l’humain futur bourgeonne.
Il fleurit en été, perd ses feuilles en automne.
Et l’on peut parfois trouver un nid ou un terrier,
au creux de son cou ou entre ses pieds.
Oui, il a bien changé et ce n’est pas plus mal,
L’humain futur est végétal.
Les mots sont ...
Les mots sont ...
Les mots sont originaux, ou plagiés.
Familiers, soutenus ou étrangers.
Les mots s’échangent, les mots changent, les mots mangent
d’autres mots.
Les mots sont rigolos.
Les mots sont colorés pour dépeindre un tableau.
Modulés, les mots sont musicaux
Les mots sont tactiles en braille,
assourdissants quand on les braille.
Les mots se respirent quand ils sont imprimés
et ils ont l’odeur du papier.
Ils sont amoureux quand ils bafouillent,
à moins que ce ne soit l’inverse, à chaque fois, je m’embrouille.
Les mots … ce sont de grands sentimentaux
Mots-valises, locomotives, les mots font voyager.
Mollesse, ils nous aspirent dans le canapé.
Dans un mauvais monologue, juste avant qu’il ne meurt,
un moribond maugréait « Les mots modernes sont moqueurs!»
Il y a des mots vaseux comme le fond d’un étang,
Des mots brumeux, inquiétants.
Pour créer des ambiances, les mots sont épatants.
Et quand un mot n’existe pas,
il suffit d’en aligner deux ou trois.
C’est un fait, les mots sont décidément bien faits
On pourrait continuer longtemps, les mots sont ceci ou cela,
c’est un jeu qui n’a pas de fin, car on peut dire n’importe quoi.
Mais on dira ce que l’on voudra,
il y a une chose qu’ils ne sont pas.
Non, les mots ne sont pas… définitivement,
responsable de ce que disent les gens.
Les mots sont réduits en esclavage,
par des spécialistes du langage
qui créent des mots polémiques
à faire perdre tout esprit critique.
Et qui les tweettent dans une cage de 280 signes
qui empêche leur développement au-delà de quelques lignes.
Les mots sont utilisés de travers,
sans vérifier dans le dictionnaire.
En contresens ou marche arrière,
pour braquer, se la faire à l’envers.
Pour vendre des bikinis en hiver,
ou en été des pull-over,
promouvoir l’arme nucléaire,
manipuler, et c’est pervers,
ceux qui manquent de vocabulaire.
Tout le monde dit des mots en l’air
Et trop peu souvent … pour faire des vers.
En conclusion, les mots sont ce qu’on en fait,
et nous ne sommes pas tout blanc.
Oui, nous sommes imparfaits,
mais les mots, eux, sont innocents.
La grande évasion
La grande évasion
Au petit matin ,
à dos de pigeon,
le dernier hamster nain,
prit son envol vers l’horizon.
Il n’y a pas un chat dans les rues,
ni même une souris ou un chien.
Les animaux ont disparu,
du jour, au lendemain.
D’abord, on ne s’en est pas aperçu,
trop occupé par nos problèmes d’humains.
Ensuite on n’y a pas cru,
Puis on les a cherchés, en vain.
Les araignées avec leur fil, avaient tissé des échelles,
Pour que les animaux d’appartement puissent se faire la belle.
On pensait qu’ils préféreraient à la liberté, nos croquettes.
Malheureusement pour nous, ils ont lu l’étiquette.
Et ils n’ont pas hésité un instant, à la faveur de la nuit…
à s’éclipser.
Non, nous n’étions pas d’assez bons humains de compagnie.
Dans les villes, dans les forêts et sur la terre entière,
plus un seul mammifère …
pas même un éléphant.
Plus un poisson dans les rivières, plus un insecte dans les champs.
Oui, vous avez bien entendu :
plus un grésillement de grillon, dans les prés.
c’est vrai, ça prend au dépourvu,
surtout les nuits d’été.
Plus un chant d’oiseau dans les arbres, plus un bourdonnement, plus un brame,
Plus le moindre bruit d’animal, on prend lentement conscience du drame.
Plus personne n’ose papillonner, lézarder ou faire des singeries,
Et les noms d’oiseaux sont proscrits.
C’est l’omerta. Des animaux,
d’amertume, on ne dit plus un mot.
De toute façon, il est trop tard pour agir,
on peut les oublier.
Ils ne vont pas revenir,
On peut ne rien changer.
Plus un rire de mouette et plus un pleur de goéland
Quand on perd l’animal, on perd le sentiment.
Et si l’homme arrêtait de gesticuler un instant,
il n’y aurait même plus un mouvement.
Sauf le vent.
Le vent qui … porte en secret, dans les feuilles et bourgeons,
les murmures grandissant d’une conversation.
Les plantes, parlent de partir elles aussi, sous peu,
Nous laissant, nous, humains, seuls sur terre, malheureux.
Poésie en pandémie
Poésie en pandémie
Minuscule point perdu dans un immense aplat,
invisible pour qui ne la cherche pas,
Une poussière traverse le firmament.
Et il est dur de dire si c’est rapide ou lent.
Au moment où j’écris,
la vie humaine sur Terre, elle, tourne au ralenti,
moins de mouvement,
moins de bruit,
les humains sont cloîtrés dans leurs appartements.
Une étrange parenthèse que ce confinement.
confiner c’est toucher aux limites.
J’aime cette définition
qui nous dit, l’air de rien, qu’on est allé trop vite,
et qu’on a fait les cons.
Pendant ce temps, pas du tout confiné,
la poussière poursuit son chemin
A travers notre Voie lactée
dont elle arrivera un jour aux confins.
Et d’ici quelques mois, l’humanité hystérique,
va retrouver sa vie normale,
Oubliant, comme c’est pratique,
Quelles étaient les racines du mal.
Car, loin d’être microscopique…
Un virus, il faut le dire, est une chose bien modeste.
Le problème, humain et systémique,
avait pour origine les hommes qui déforestent.
Vu des astres, cela doit sembler bien curieux,
Que les humains prennent pour leur propriété,
comme des nouveaux-nés aux egos de petits dieux
Une planète qui est vieille, elle, de milliers de milliards d’années.
La comète est passée, on ne voit plus sa lumière,
Il est temps de redescendre sur Terre,
Et ne pas oublier, qu’à l’échelle de l’Univers,
l’Humanité n’est qu’une poussière.
L’académie française
L’académie française
Il est vrai, l’Oulipo libère l’écriture.
Mais un alexandrin, c’est de la confiture.
Et si on laisse ces gus jouer avec les mots,
c’est une porte ouverte à tous les rigolos.
Il nous faut préférer les grands auteurs classiques
à ce Raymond Queneau et à toute sa clique
qui, pour écrire cent mille milliards de poésies
ont transformé « littérature » en « industrie ».
Ils ont écrit au mètre, à coup de tractopelle,
Quand seul le pied, des mots, devrait être l’échelle.
Et lorsque d’un poème, les vers sont échangeables.
Cela ne peut pas être un écrit mémorable.
Ce sont là les propos, que dit grosso modo
Monsieur Nicolas-Louis François de Neufchâteau,
Agronome, écrivain, homme politique, lorrain.
Devant ses chers collègues les académiciens.
Mais en levant la tête, du pupitre, il les vit :
bedonnants, somnolents, cheveux blancs, dégarnis,
faisant bien peine à voir dans leur fauteuil à vie.
Il froissa son discours, but de l’eau et reprit.
Ce que je viens de dire, je n’le pense pas vraiment,
à notre âge, on croit trop que c’était mieux avant.
Et pourtant, chaque époque la voit se répéter,
la guerre entre vieux cons et jeunes illuminés.
Notre langue française pour être gardé en vie
nécessite du sang neuf dans cette académie.
Et demain peut-être Jul, Maître Gims ou Nekfeu
poseront leur fessier sur une chaise de ce lieu.